Quand la taxe remplace la solution : pourquoi la taxe sur les munitions au plomb est un mauvais signal

L’amendement n° 2490, déposé lors du débat à l’Assemblée nationale, vise à instaurer une taxe de 1,50 € par kilogramme de plomb contenu dans les munitions de chasse à compter du 1er juillet 2026. Assemblée nationale+1 Il s’appuie sur le principe du «pollueur-payeur», évoquant les risques pour la santé humaine, animale et l’environnement. Assemblée nationale+1 Si la préoccupation environnementale est légitime, la voie choisie — une nouvelle taxe ciblée — présente des lacunes majeures, des effets indésirables et détourne l’attention des véritables leviers d’action.


1. Sur l’objectif environnemental et sanitaire

L’amendement rappelle que le plomb et ses composés sont toxiques pour l’être humain (développement neurologique, fonction rénale, fertilité) et pour la faune (ex. oiseaux d’eau empoisonnés) ; et qu’une boîte de 25 cartouches disperserait 800 à 900 g de plomb dans la nature. Assemblée nationale+1
Points à nuancer :

  • Il est vrai que l’exposition au plomb est problématique ; mais l’amendement ne différencie pas clairement les munitions encadrées légales des usages illégaux ou mal contrôlés.

  • Il ne prend pas en compte suffisamment les progrès déjà engagés : par exemple, l’interdiction de l’usage de grenaille de plomb dans les zones humides en France. Sénat+1

  • Une taxe ne garantit pas automatiquement la réduction des rejets de plomb : elle peut devenir une charge supplémentaire sans réelle incitation forte au remplacement.


2. Sur la mesure fiscale et ses effets

L’amendement prévoit la création d’un chapitre fiscal spécifique : taxe “assise sur le poids en plomb” vendue au kilo, à partir de 1 % de concentration en plomb. Assemblée nationale
Limites et risques :

  • Le mécanisme est complexe à appliquer (mesure du plomb, traçabilité, vérification). Cela génère des coûts administratifs qui peuvent réduire l’efficacité de la mesure.

  • Cette taxe risque d’alourdir les coûts pour des acteurs légitimes (chasseurs, fabricants) sans garantie que les comportements soient modifiés.

  • Il peut s’agir d’un “effet fiscal” plus que d’un “effet écologique”. Au lieu de gérer la pollution au plomb, on transige par un prélèvement.

  • Le message envoyé est lourd : “on taxe d’abord” plutôt que “on accompagne le changement”. Cela peut créer un sentiment de pénalisation de la filière chasse légale, déjà soumise à de nombreuses contraintes.


3. Sur l’efficacité & les alternatives

Si l’objectif est de réduire la pollution au plomb, d’autres leviers semblent plus pertinents et plus ciblés :

  • Renforcer l’interdiction ou la restriction progressive du plomb dans les munitions (ce que l’Agence européenne des produits chimiques a d’ores-et-déjà proposé dans le cadre du règlement REACH). Sénat+1

  • Encourager et subventionner la transition vers des alternatives “sans plomb” ou à faible teneur, plutôt que taxer l’ancienne technologie.

  • Mettre en place un suivi, un contrôle du stockage, de la dispersion, de la récupération des munitions usagées, plutôt que de simplement augmenter le coût d’achat.

  • Eduquer et accompagner les utilisateurs (chasseurs, clubs sportifs) à adopter les bonnes pratiques.


4. Sur les enjeux de filière et de société

La chasse, le tir, les munitions légales sont des pans encadrés de la société. Il s’agit d’activités qui impliquent une responsabilité, un suivi, une régulation. Une taxe mal calibrée risque :

  • De fragiliser la filière légale en envoyant le message que tout détenteur ou vendeur de munitions est “suspect” ou doit compenser un “risque social”.

  • De détourner l’attention des enjeux principaux : usages illégaux, détournements d’armes, stockage non conforme.

  • De susciter un sentiment d’injustice chez les utilisateurs responsables.


Conclusion

L’amendement n° 2490 pose un principe compréhensible — la nécessité de responsabiliser les acteurs quant à la pollution au plomb —, mais il le fait via une taxation générale qui manque de ciblage, de mécanisme incitatif réel et de garanties d’efficacité. Plutôt que d’imposer systématiquement une taxe, une politique qui combine interdiction progressive, substitution technologique, accompagnement et contrôle offrira un meilleur résultat pour l’environnement, pour la santé, et pour la filière légale. En l’état, cette mesure risque d’être une “taxe symbolique” plus qu’un véritable levier de transformation.

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